• La Pierre de sel
    Eliza Muresan

La Pierre de sel-Panorama 14

  • DESCRIPTION

    « N’essayez pas de comprendre une époque passée, car vous n’allez pas y arriver. Chargez-vous de comprendre le temps dans lequel vous vivez, car vous allez y passer votre vie et vous ne le comprendrez toujours pas. » — Fragment d’un entretien avec un architecte roumain de l’époque communiste. On est en 1959 à Bucarest. Le tournage a lieu sur le plateau du Fresnoy, les acteurs viennent de Roumanie. Le studio devient une navette spatiale qui les renvoie au début de l’époque communiste roumaine dans le manque absolu d‘iconographie spécifique aux images d’archives qui nous restent. Il s’agit de revivre l’expérience communiste sans les a priori historiques. Se retrouver face aux situations qui n’ont pas encore acquis leur signification, les vivre littéralement au stade de projet. Les trois personnages du film sont architectes, mais ne réunissent pas les conditions légales pour avoir le droit à un logement et à des affaires personnelles en conséquence. Une situation paradoxale qui condamne ceux qui projettent les nouveaux bâtiments ouvriers à n’habiter rien d’autre que leur propre discours sur l’architecture. Les espaces intérieurs sont entièrement blancs, sans aucune détermination, sans dimension, sans cloisonnements : ils ne constituent pas « un toit ». Les espaces extérieurs sont des projections d’images de synthèse sur un écran. Donc l’extérieur reste inaccessible. De façon délibérée, j’ai choisi de ne pas recourir à une incrustation conventionnelle : filmer les personnages sur un écran vert et rajouter des images en 3d pendant la postproduction. Car je souhaite que la concomitance des personnages et de la 3d ne soit pas une retrouvaille tardive dans la chaîne de postproduction, mais un présent commun sur le plateau du tournage. Le décor n’est pas symbolique, mais il est l’espace réel où ces gens vivent, mangent, boivent et s’écroulent de sommeil au restaurant, dans le parc, dans la salle de cinéma, dans les tramways de nuit, dans la rue.