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Faraw ka TaamaSeydou Cisse
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Faraw ka TaamaSeydou Cisse
Faraw ka Taama -Panorama 14
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DESCRIPTION
Faraw ka Taama ou le Voyage des pierres
Comment transcender une pensée collective, des croyances ancestrales, la violence de la domination ? Comment héroïser le dur labeur lorsqu’il tue ? Contre la tyrannie du réel, Seydou Cissé lie le passé colonial, la philosophie et le mental maliens avec le cinéma. L’animisme confère aux objets et aux différents règnes naturels une intériorité semblable à celle des humains. Comme l’animation donne du mouvement à l’image.
Une minéralité envahissant tout l’espace, un toguna, un autel sacrificiel, les grottes où vécurent les Tellems, des falaises. Un bel enfant, sa tête ronde et intelligente, son innocence, ses attributs : un lance-pierres, un collier de gris-gris. La vivacité ardente de son fouet rejoue l’Histoire selon la manière dont elle est contée par l’aïeule à la jeune adolescente. La magie des légendes rejoint celle du cinéma afin de rendre vie à la centaine de milliers d’ouvriers sacrifiés aux travaux pharaoniques (1934-1947) du pont-barrage de Markala.
Les images projettent, au sens littéral, tout comme le fouet. Poussées par l’instrument magique, les pierres dévalent les pentes et s’entassent en bon ordre pour ériger les murs qui les absorbent.
En déplaçant l’Histoire par l’imaginaire et le simulacre, l’artiste réussit le prodige de bâtir un dispositif solide entre sa capacité à manier les technologies actuelles de l’image et l’esprit des anciens dans une simple et lumineuse évidence. Et à redoubler et pérenniser le lien temporel par la transmission entre générations du récit fondateur tel qu’il en a lui-même hérité. Les décalages ici à l’œuvre sont subtilement fondus dans une vision spatiale singulière et puissante. Animisme et animation donnent esprit et vie aux objets inertes, et font de l’inimaginable une réalité. C’est dans le cinéma d’animation qu’il trouve le recul et le levier pour mettre l’animisme et l’Histoire à l’épreuve du contemporain. Comme la légende, son film place ces travailleurs au niveau des Esprits.
Joëlle Busca