• L'Empire
    Aurélien Vernhes-Lermusiaux

L'Empire-Panorama 14

  • DESCRIPTION

    L’Empire est un projet d’installation interactive qui propose un dispositif d’immersion et une réflexion sur le motif de la ruine. L’installation joue sur l’impact qu’une présence humaine et sensible peut avoir sur un lieu, et plus précisément sur le rôle de l’imaginaire lorsque l’on voyage dans une ruine.

    L’idée principale de cette réapparition de la ruine ne sera pas de redonner une beauté aux décombres ou même de tenter une "restauration" - de toute façon illusoire - mais plutôt de fantasmer ce que pouvait être l’île quand elle était encore habitée.

    L’Empire propose une expérience sensorielle du devenir.
     
     
    Le Royaume des ombres
     
    À trente ans, en six courts et moyens métrages, Aurélien Vernhes-Lermusiaux a déjà construit ce qu’on appelle une œuvre ‑ l’affirmation d’un point de vue et l’élaboration d’un univers personnels ‑, où résonne l’écho des films qui l’accompagnent : ceux de Tarkovski dans La Lèvre fendue (2006), d’Antonioni dans The Passenger (2008) ou de Béla Tarr dans Le jour où le fils de Raïner s’est noyé (2011).
    Accueillant l’ombre des maîtres de la modernité, la singularité de son regard vient de son attention à la matière du monde et, d’abord, à sa matière lumineuse. Des étendues blafardes du Nord minier habité des ombres d’une industrie défunte (Le jour où…), aux campagnes du Lot écrasées sous la chaleur d’août (Le Rescapé, 2010), de lents travellings en longs plans fixes, la caméra traque l’immémorial d’une catastrophe collective ou intime. Mais comme pour Tarkovski ou pour Bruno Dumont (auquel est consacré Le Fracas des pattes de l’araignée, 2012), les rythmes du monde sont essentiellement à écouter : bruissement de la pluie, crépitement des buches dans l’âtre, crissement des pas… C’est à l’écoute des gestes des hommes, et non à celle des rares dialogues, que nous invite cette œuvre où l’épaisseur d’un temps proprement humain se lit aussi au travers des visages et des corps. L’Inconnu (2007) se réduit ainsi au heurt de deux rythmes : celui d’Aurélien Recoing, au corps massif et lourd, et celui de Gaspard Ulliel, frêle silhouette recroquevillée sur elle-même.
    Habitée par la mort, accueillante au retour de spectres promis à une nouvelle disparition, l’œuvre de Vernhes-Lermusiaux résonne de l’écho de toutes les catastrophes. Au large de Nagasaki, la ville irradiée, se dressent les ruines de Hashima, l’îlot abandonné, d’où toute une population de mineurs fut expulsée en quatre jours. En filmant quarante ans plus tard cette « zone interdite », c’est cet emboîtement vertigineux des temps que tente de rendre sensible le jeune cinéaste.
     
    Sylvie Rollet, Maître de conférences en esthétique du cinéma