• Tombeau pour l’URSS
    Jean-Paul Fargier

Tombeau pour l’URSS-Panorama 14

  • DESCRIPTION

    Quelques notes de musique attirent un jeune garçon devant un mur de pierres. Visiblement intrigué, l'enfant frappe la roche de plusieurs coups de bâton. Une image fantomatique – incrustée – commence à sourdre. Premier choc. Encore un coup, puis un autre et l'image jaillit tout à fait : une procession musicale extraite des Joyeux Garçons de Grigori Alexandrov (1934). Le petit chef d’orchestre (ou est-ce un magicien ?) utilise donc sa baguette pour faire apparaître des revenants et enclencher le mouvement de l’œuvre. Générique. En quelques secondes, Jean-Paul Fargier annonce brillamment son projet : extraire des informations enfouies dans les strates de l'Histoire en confrontant différents supports. Force est de constater, en effet, que ce Tombeau pour l'URSS déborde d'images hétérogènes. Reportage contemporain (fouilles, recherches en laboratoire, interviews, journaux télévisés russes, performance de Jérôme Bourdellon et Joëlle Léandre), actualités d'époque, comédie musicale d'Alexandrov, photographies et documents administratifs recomposent, pièce par pièce, une « mosaïque complexe » (le mot-clé est emprunté à l'un des étudiants interrogés). Et c'est par les chocs – les trouées, les collisions, les chevauchements – entre ces régimes d'images que le processus vidéographique d'exhumation et de reconstruction s'effectue. Cela, dans le but de reconstituer le trajet « de Paris à Moscou puis de Moscou à Paris » de sculptures brisées, découvertes par l'archéologue François Gentili, à Baillet-en-France, en 2004. Le morcellement des statues et l'investigation qu'il implique travaillent, semble-t-il, en profondeur, les choix formels de Fargier. Les matériaux seuls font la différence. À l'archéologue le béton armé et au vidéaste les images ! Toutes les images : fixes, en mouvement, en noir et blanc, en couleurs, lisses, granuleuses, pixelisées, muettes, parlantes, musicales etc. L'historiographie apparaît dès lors comme un jeu de construction protéiforme. Arnaud Widendaële